Nuit noire.
Neige blanche.
Eaux sombres.
Écume glacée.
Hier, les flonflons et les pétarades de la fête polluaient la quiétude du village. Ce soir, il ne reste qu’un éclairage blafard voilé par le brouillard.
Il suffit de monter sur le parapet, de faire un pas et l’absurde comédie trouvera son logique dénouement. Un pas et…
Ce pas, tu ne le feras pas.
« On » a encore besoin de ta vie.
Tu es trop intelligent pour te laisser prendre au piège de l’absurde absolu : il n’y a pas plus absurde que cette conception d’une existence sans espoir. Ce n’est pas la tienne. On l’a glissée dans ta cervelle qui en fait une indigestion perpétuelle.
Tu ne sauteras pas.
Quitte ce pont, rentre chez-toi.
Demain…
Demain, il fera jour à nouveau et il est possible, très possible, que tu fasses un pas dans une autre direction. Tu viens de renoncer à celui-là. Il est impossible à la vie de rester immobile.
Va te coucher et suspends ta pensée au chevet de ton lit. Nudité, vacuité, … Fais de la place à ce qui va venir. Demain…
Il y a un endroit où tu souhaiterais vivre, n’est-ce-pas ? Tu crois que cet endroit n’existe pas.
Alors que moi, je te dis tu y vis déjà. Je suppose que tu n’en as pas conscience, parce que des informations déroutantes encombrent et perturbent ta perception.
Cet endroit de tes rêves se trouve ici-même, dans une dimension à laquelle tu n’as pas encore accès.
Un mur colossal de croyances fait obstacle à tes désirs profonds. Un mur épais, extrêmement compact et résistant que tu peux néanmoins traverser comme une brume légère en faisant un simple pas, un seul pas.
Au lieu du pas fatal que tu envisageais hier en te jetant dans la rivière, tu peux faire un pas dans la direction opposée. Un pas qui lui aussi entraîne la mort d’une partie de toi-même, mais qui te permettra de conserver une existence dont tu as encore besoin.
Oui, tu as besoin de vivre encore pour faire une expérience terrible et magnifique, l’expérience du réel.
Réfléchis encore pendant un jour, ou deux, ou plus. Si tu estimes que rien ne te retiens à cette existence que tu qualifie d’absurde, alors quel risque cours-tu à tester l’option que je te propose ?
De faire un PREMIER PAS dans l’aban-don ?
Es-tu prêt maintenant à oser un pas mental opposé à tes croyances ? L’obstacle est là, dans cette dimension de ton esprit, dans ce monument de croyances qui te tient lieu de connaissance.
Tu peux franchir ce mur mental avec un seul sésame, le mot « Oui ».
Tu demandes : « Pourquoi ce « Oui » ? Pourquoi le mental ? »
Ces questions relèvent encore du mental. Il cherche des échappatoires. Aucune question n’est admise au moment où tu décides de dire « Oui » même si, ensuite, tu pourras de nouveau en formuler.
Dis simplement « Oui ».
Oui à la vie, oui à ce qu’elle a fait de toi, oui à ce qu’elle te propose, oui à ce qu’elle t’a refusé jusqu’à présent. Bref, Oui à tout sans la moindre restriction.
Ce Oui ne peut te paraître plus absurde que tes théories. Tu hésites encore ? C’est compréhensible, tu es tellement conditionné par la peur et la méfiance. Or ce Oui implique une entière confiance, une totale ouverture du cœur et de l’intelligence.
Il ne fait pas appel à la crédulité puisqu’il ne te demande pas de croire à quoi que ce soit.
Il s’agit juste de dire « Oui » à tout et à tous.
Oui.
Éblouissant, n’est-ce-pas ? Sacrément éblouissant !
Nombreux sont ceux qui s’empressent de faire immédiatement marche arrière. La lumière d’ici leur est insupportable. La vie ne manque pas de compassion et les autorise à revenir dans l’illusion, dans l’espoir d’une maturation avant la prochaine tentative.
Avec de la ténacité ou de la bonne volonté, certains persévèrent quelques temps malgré leur désarroi initial. Parfois, ils surmontent leur choc initial. Parfois, ils retournent en arrière, eux aussi. Il y a ainsi une grande variété de situations et de réactions personnelles.
Mais plus tu t’avances dans ces nouveaux territoires, moins il te sera possible de retourner à ta situation d’origine. Tu en auras d’ailleurs de moins en moins l’envie. Sauf pour accomplir certaines missions dont nous te parlerons plus tard, car alors il ne s’agira plus de retour mais d’un nouveau départ.
Est-ce que ça va ? Tu es tout frissonnant, un peu patraque semble-t-il. C’est fort compréhensible. Tu exprimes un curieux mélange de grande joie et un désarroi touchant. Accepte cela. Va, dis encore un petit « Oui » et tu te sentiras mieux.
Dire « Oui » consiste à accepter tout ce qui t’arrive, tout ce que tu es, tout ce que sont les autres, toutes les événements, agréables ou désagréables, programmés ou imprévus.
Quand on dit « tout », ça fait beaucoup. Cela t’angoisse !
Parce qu’il s’agit d’un principe de base, une loi primordiale.
Les mots « oui » et « tout » sont à considérer comme des un-ités. Ils désignent quelque chose d’unique et d’insécable même si on peut répondre « Oui » à une infinité de questions et diviser le « tout » en une infinité de parcelles.
Mais revenons-en à ta première impression, cette lumière éblouissante qui a envahi tout être quand tu as dis « Oui ».
C’est cette lumière – elle est parfois blanche, parfois dorée – comment l’as-tu perçue d’abord ? – cette lumière va éclairer un paysage tout à fait nouveau pour toi.
Que dis-tu ?
« Mais je re-connais tout cela. »
Bonjour chez toi.
Tu n’as jamais supporté les violences sans pour autant comprendre que les pires violences étaient celles que tu t’infligeais à toi-même, à ton intelligence, à ta sensibilité.
Comment peut-on admettre un seul instant qu’il faille combattre les êtres malfaisants, méchants, pervers !?
Tuer les tueurs ! Éliminer les éliminateurs ! Dominer les dominateurs !
C’est insensé.
Toute réaction violente aux violents ne fait que renforcer leur énergie, ne fait qu’approuver leurs agissements, leurs tendances.
Tout à l’heure, quand tu disposeras d’un moment de calme, tu vas pouvoir reconsidérer la violence dans ta nouvelle dimension.
Tu vas repenser à quelques êtres qui ont exercé de la violence à ton égard, tu vas te remémorer des situations où tu subissais souffrances et contraintes douloureuses.
Puis tu imagineras d’autres réponses que la violence en retour ou la fuite – ta solution préférée.
Ne cherche pas midi à quatorze heures : écoute ton cœur puisque, enfin, tu le laisses s’exprimer.
Il possède une intelligence bien plus fine et profonde que ta cervelle, une intelligence qui se passe de « système » neuronal, car elle est fondée dans cette dimension non-physique dans laquelle tu fais tes premiers pas.
Fais silence.
Écoute-le.
Écoute-toi.
Ta nouvelle dimension d’existence diffère totalement de celle que tu as quittée. Le regard que porte désormais sur chaque chose en atteste.
Ta vision possède maintenant une qualité nouvelle : elle est globale.
En disant « Oui », tu ne peux plus voir les choses de façon séparée. Désormais, elles t’apparaissent reliées les unes aux autres par une infinité de liens qui, auparavant, ne t’étaient pas discernables.
Ton nouveau regard implique une nouvelle contrainte à ta pensée qui va se développer à partir d’une perception correcte de l’univers, une perception de sa globalité vivante.
Bien sûr que tu auras des moments de désarroi, des zones d’aveuglement, des paniques passagères.
Tu considèreras également ces faiblesses comme des témoignages de ta lucidité.
Il est évident qu’une vision de la globalité ne va pas masquer les zones d’ombre, mais au contraire les éclairer d’une signification qui leur donnera un sens tout à fait inattendu.
En tous cas, si tu te découvres à nouveau aveugle, ne panique pas, ne te fais aucun reproche.
Accepte la situation, dis « Oui ». Tout simplement.
Avec ce « Oui » tu permets à la lumière d’éclairer la situation, de t’éclairer exactement de la façon qui convient, de la façon nécessaire pour que tu vois les liens, les relations de l’ombre avec la lumière.
Bienvenue dans le nouveau monde, le monde du « Oui ».
Bienvenue chez toi.